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  • Entretien avec Yewa Waetheane

    Entretien avec Yewa Waetheane

    Yewa Waetheane est l’un des premiers dirigeants de l’Union calédonienne, qui agit avec neuf autres organisations politiques pour l’indépendance de la Kanaky. Il milite aussi, avec ses camarades, dans la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) qui regroupe les organisations politiques indépendantistes, syndicales, associatives, comités de lutte…

    Yewa a 34 ans. Il a grandi au nord de Nouméa, dans sa tribu, avec ses huit frères et sœurs. Après des études professionnelles et le Bac, il a étudié en France pendant 6 ans et obtenu un diplôme de sociologie. Études finies, il est retourné dans son pays, la Kanaky et

    Nous l’avons rencontré dès sa libération de la maison d’arrêt de Nevers où il était emprisonné depuis 346 jours, déporté le 23 juin 2024 comme six de ses camarades dirigeants indépendantistes suite aux manifestations réunissant jusqu’à un quart de la population de la Kanaky contre le projet de dégel du corps électoral que voulait imposer Macron et son gouvernement.

    Depuis la décision le 12 juin dernier de la Cour d’appel de Paris d’ordonner leur libération, cinq ont été interdits de regagner la Kanaky, leur pays. Yewa est donc loin de sa tribu, de ses camarades indépendantistes qui mènent le combat pour la fin de la colonisation française.

    Yewa, quelle est la situation du peuple kanak aujourd’hui ?

    Le 13 mai 2024, le soulèvement du peuple kanak a eu lieu contre le dégel du corps électoral qui remettait en cause les accords de Nouméa et les articles 76 et 77 de la Constitution.

    La situation pour le peuple kanak est de plus en plus précaire. Des milliers d’emplois ont été supprimés depuis l’an dernier, les services publics sont en lambeaux, l’Hôpital Nord est fermé, le pouvoir d’achat est en nette régression. Dans le sud de l’île, le salaire moyen pour les loyalistes et les colons est d’environ 473 000 francs Pacific, dans le nord, 132 000.

    Dans le nord, les gens vivent quasiment dans des bidonvilles, le manque de médecins est catastrophique, c’est la politique menée contre le peuple kanak par l’État français et les colons sur place.

    Quelles sont les grandes revendications pour arriver à l’indépendance ?

    D’abord, il faut que l’audiovisuel revienne au peuple kanak, comme les droits régaliens qui sont, aujourd’hui, aux mains de l’État français. Il faut, ensuite, que nous puissions voter notre budget car, aujourd’hui, nous sommes sous le joug français avec les coupes budgétaires qui s’appliquent en France mais aussi en Kanaky.

    Le mouvement indépendantiste kanak, dans son ensemble, a les moyens de gérer le pays. Il y a des richesses comme le nickel, la biodiversité marine, le pétrole, le gaz et dans le domaine de l’agriculture, nous avons les compétences, nous pouvons nous détacher, sans problème, de l’État français.

    D’ailleurs, la preuve en est que dix-sept communes sur trente-sept et une province sur trois sont gérées par le mouvement indépendantiste.

    Le problème de la Kanaky est que l’État français nous met un budget à l’équilibre, ne nous permet pas d’emprunter comme un pays souverain et nous prive de notre souveraineté.

    L’ONU et le droit international ne sont pas respectés par la France ?

    Le président français et les gouvernements successifs font mine de négocier mais ne respectent pas les résolutions de l’ONU. La Kanaky est un des dix-sept pays dans le monde qui doit être décolonisé selon l’ONU.

    Pourtant, notre souveraineté est le seul moyen de recouvrer l’indépendance après 172 ans sous colonisation française.

    Nous entendons être un pays indépendant, qui fait vivre la démocratie, notamment par ses actions de terrain avec la population, et la coordination et l’échange avec d’autres pays.

    Les accords de Nouméa doivent être respectés et la Kanaky doit devenir un pays souverain au plan international.

    Bien entendu, nous ne lâcherons pas et la majorité du peuple kanak est pour l’indépendance. Les organisations politiques indépendantistes et la CCAT continueront à négocier et à agir jusqu’à l’indépendance.

    Propos recueillis par Jean-Charles Marquiset