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  • Vers la VIe République

    Vers la VIe République

    Voici quelques années que la France insoumise parle de, prépare et promeut un changement de nos institutions, constatant que la Ve République, mal née et cent fois tordue, dérive dangereusement vers l’autoritarisme, avec une succession de lois restreignant les libertés publiques. Le débat, notamment orchestré par des médias appartenant à des grandes fortunes et de grands groupes, confine à la chasse aux sorcières dans un grand renversement de toutes les valeurs et de toutes les évidences.

    Le peuple français est fracturé, divisé et les diverses élections ne permettent plus de recréer une dynamique qui le mobiliserait autour d’une idée partagée de justice et de progrès. Comment se refonder en tant que peuple, c’est-à-dire en tant que communauté politique qui décide de son sort ? Notre idée est d’appeler à une Constituante, pour passer à une VIe République. Nous pensons qu’il est temps de réécrire les règles du jeu de notre vie politique et sociale, et que le bon niveau où se placer est celui d’une nouvelle Constitution ; quelques lois, mêmes importantes, stratégiques, ou soutenues par le peuple ne seraient pas suffisantes.

    Sur un terrain de sport, si le public voyait que l’arbitre n’était pas équitable, que ce soit par malveillance, corruption, ou encore du fait de règles iniques, il y aurait un malaise dans le stade. Nous en sommes rendus au point où, du fait de règles devenues iniques, d’une corruption, à tout le moins morale, de notre classe politique et de nos éditocrates, et de la malveillance de notre Président, une dissolution peut être déclenchée de manière individuelle, arbitraire et dangereuse, sans aucun frein ou contrepouvoir possible, puis le résultat de cette histrionisme, la victoire du NFP, être jeté aux oubliettes, avec un dédain inversement proportionnel à la furie qui a accueilli la sortie d’un livre attaquant la France insoumise pour manque de démocratie interne, notamment. Si la démocratie est si importante, on attend que ses défenseurs se lèvent quand la République (fût-elle la Ve) tremble. On attend toujours.

    Comment engager le travail qui mènera à une VIe République ? Notre Constitution actuelle nous permet de convoquer une Constituante par référendum. Nous le ferions en demandant de voter non pas avec des bulletins « oui/non » mais avec des bulletins proposant des choses à inscrire dans la nouvelle Constitution, par exemple la révocation des élus, la reconnaissance du vote blanc, de nouveaux droits fondamentaux comme celui de mourir dans la dignité, de changer de genre…

    Il y aurait également des bulletins concernant le processus de la Constituante. Par exemple : combien de ses membres devraient être tirés au sort. Quoiqu’il arrive, les membres de la Constituante ne pourraient pas avoir été parlementaires sous la Ve République et ne pourraient pas non plus l’être sous la VIe. Ils n’auraient donc pas d’intérêt à voir se prolonger un état, de fait, passé, pas plus qu’ils ne produiraient la nouvelle règle en se disant qu’ils occuperaient ensuite un poste de pouvoir dans le nouveau régime, ce qui les empêcherait d’écrire une règle pour favoriser leur propre élection.

    Concernant le nombre de citoyens tirées au sort, nous n’avons pas peur de voir se dessiner une Constituante très indépendante de quelque bord partisan que ce soit, et donc de nous-mêmes. On peut voir avec l’Avenir en commun que nos propositions sont très largement majoritaires, et nous voyons aussi que les différentes conventions citoyennes parviennent à des conclusions très proches de celles que nous avons construites en nous appuyant sur le travail d’associations reconnues dans leur domaine (logement, écologie, libertés publiques…).

    Ainsi, nous serions favorables à ce que le temps de travail de la Constituante permette des allers-retours entre l’assemblée constituante et l’ensemble du pays, avec des cahiers de doléances par exemple, dont le rôle dans la Révolution française n’est plus à démontrer, et dont la force d’expression et de proposition, vive lors du mouvement des Gilets jaunes, devrait encore permettre de radicaliser le travail des constituants.

    À l’heure où le locataire de l’Élysée se prend pour le propriétaire des lieux et n’accepte pas le résultat d’élections, une nouvelle République est bienvenue. Il s’agit de brider le pouvoir des puissants, et sans doute que la proposition de révocation des élus a à trouver sa place dans un nouveau jeu politique, où les élus ne sont pas autre chose que des serviteurs mandatés de la cause publique. À vrai dire, de nouvelles règles sur la manière dont les citoyen·nes peuvent élire et révoquer les politiques, instaurer et abroger les lois, ce sont des règles vitales à construire pour adapter nos institutions aux problèmes de ce siècle.

    Depuis l’instauration de l’actuelle Constitution, elle a eu à subir 24 modifications, plus ou moins profondes. Sur ces 24 changements de la règle fondamentale qui cadre notre vie, le peuple n’a donné directement son avis que 3 fois. Il est grand temps de remettre à l’ouvrage la règle des règles, la Constitution, et de le faire à partir du peuple souverain. Cela nous paraît le moyen à la fois le plus sûr et le plus ambitieux de réveiller les graines de la fraternité républicaine, de préparer les ferments de l’harmonie des êtres humains entre eux.

    Une communauté politique qui refonde son cadre de vie souverainement, accepte mieux son sort, fût-il soumis aux aléas et à la violence du monde, quand la manière dont elle s’organise lui apparaît juste et est librement consentie. C’est alors que ses membres coopèrent le mieux, que ce soit pour garantir une vie décente à chacun ou pour inventer de nouvelles formes de vies sociales, économiques et culturelles.

    Jérôme Dubos