Commémoration de la victoire sur le nazisme : le devoir de mémoire est aussi un devoir d’action

affiche 8 mai 1945 "La guerre est finie"

Lors de la commémoration de la victoire sur le nazisme dans sa commune, Nicolas Smilevitch, maire de Brinon-sur-Beuvron, a rappelé que « le fascisme ne revient pas toujours en bottes, mais parfois en costumes. Il peut prendre le visage du conformisme, de l’oubli, de l’inaction. Le devoir de mémoire est aussi un devoir d’action ». Nous reproduisons ici son discours.

« Mesdames, Messieurs, Chers concitoyens,

Aujourd’hui, nous sommes rassemblés pour honorer la mémoire de celles et ceux qui ont combattu pour notre liberté.

Il y a 80 ans, le 8 mai 1945, s’achevait, en Europe, la Seconde Guerre mondiale. Mais cette joie immense était traversée d’une profonde tristesse. Car la victoire avait un goût amer : celui des millions de morts, des villes en ruines, des familles brisées.

La Seconde Guerre mondiale fut une tragédie sans précédent : plus de 60 millions de morts, des peuples déplacés, martyrisés, et la révélation de l’horreur absolue : la Shoah.

Là, au cœur de l’Europe, l’humanité avait connu l’inhumain. Parce que certains hommes avaient décidé que d’autres ne méritaient pas de vivre.

En ce jour de mémoire, nous nous inclinons devant les soldats de l’armée d’Afrique et des armées alliées, les membres de la Résistance, les réfractaires au Service du Travail Obligatoire, les femmes et les hommes de l’ombre, qui, au péril de leur vie, ont sauvé d’autres vies.

À toutes celles et ceux qui refusèrent de courber l’échine devant l’oppression, nous devons l’essentiel : notre liberté.

Le 8 mai 1945 n’est pas seulement une victoire militaire. C’est la victoire de la Paix sur la guerre, de la Fraternité sur la haine, de l’Humanité sur la barbarie.

« Le fascisme n’est pas l’opinion contraire, c’est la négation de toute opinion. » écrivait Albert Camus. Et c’est cela que nous commémorons : la défaite d’un système fondé sur le racisme, l’antisémitisme, la haine de l’autre, le rejet des plus faibles.

Aujourd’hui encore, le fascisme n’appartient pas seulement aux livres d’histoire. Il rôde. Il change de visage. Il se pare d’un vernis de respectabilité. Il s’infiltre dans les discours et dans les urnes. À nous de rester vigilants. À nous de faire vivre l’idéal de la Résistance : ne jamais tolérer l’intolérable.

Car la paix, ce n’est pas l’absence de guerre. C’est la présence de justice, de solidarité, d’égalité. La paix, c’est de garantir à chacun sa place, son droit à la dignité, quelles que soient son origine, sa couleur de peau, sa foi ou sa condition. La paix, c’est faire vivre cette devise si belle, si exigeante, si nécessaire : Liberté, Égalité, Fraternité.

Aujourd’hui encore, cette paix est menacée. Aux portes de l’Europe, en Ukraine, un peuple lutte pour son indépendance, pour sa souveraineté. Et à Gaza, des civils, des enfants, subissent la terreur et la mort.

« Plus jamais ça » ne doit pas être un slogan creux. Il doit être un engagement, une ligne de conduite, une alerte permanente. Nous ne pouvons rester indifférents. Nous devons porter une exigence simple, humaine, universelle : le respect du droit, la protection des civils, le refus de la barbarie.

Le 8 mai nous enseigne que la démocratie est fragile, qu’elle peut vaciller. Qu’elle doit être défendue avec force, avec conviction, avec courage. De la guerre est née aussi une formidable espérance : celle de construire une société plus juste. C’est le Conseil National de la Résistance qui inspira notre modèle social. C’est de la cendre qu’est née l’idée d’une Europe unie pour ne plus jamais se faire la guerre.

Mesdames, Messieurs, notre plus grand hommage aux combattants de la liberté, c’est de continuer leur œuvre. C’est de rejeter les discours de haine, les replis identitaires, les appels à la violence et au rejet. C’est de dire non à tous les racismes, à toutes les discriminations, d’où qu’ils viennent. C’est de croire en la fraternité, et de la faire vivre chaque jour, dans nos actes les plus simples.

Aujourd’hui encore, la plus belle victoire que nous puissions leur offrir, c’est d’être dignes de leur héritage. D’enseigner à nos enfants que la liberté est un trésor, que la paix est un combat de chaque instant, et que le fascisme, sous toutes ses formes, doit être combattu avec la plus grande fermeté.

Alors, en ce 8 mai 2025, souvenons-nous. Souvenons-nous pour ne jamais revivre l’indicible. Et proclamons, ensemble, d’une seule voix : Vive la Paix, Vive la Fraternité, Vive la République, Et Vive la France !

Mais commémorer ne suffit pas. Il ne suffit pas de déposer des gerbes ou d’observer une minute de silence. Il faut transmettre. Il faut éduquer. Il faut dire et redire ce que fut la guerre, ce qu’elle a fait de nos sociétés, et ce que l’engrenage de la haine peut produire lorsque les digues cèdent.

Car la guerre n’est pas née par hasard. Elle fut le fruit d’années de haine distillée, de propagande acceptée, de silences complices, d’indifférences accumulées. Les régimes totalitaires ne s’imposent jamais d’un coup, mais toujours à petits pas, pendant que la démocratie sommeille.

Aujourd’hui encore, certains prônent des idées de repli, de rejet, de hiérarchisation des êtres humains. Ce sont les mêmes logiques qui jadis menèrent au pire. Les mêmes logiques, maquillées de modernité, qui opposent les uns aux autres, qui désignent des boucs émissaires, qui cherchent à diviser pour mieux régner.

La République, elle, ne fait pas de tri entre ses enfants. Elle proclame haut et fort que nous sommes tous égaux en droits, en dignité, en citoyenneté. Et cette promesse républicaine, nous devons la faire vivre contre vents et marées.

Engageons-nous. Dans nos écoles, dans nos communes, dans nos associations, dans nos lieux de travail, dans nos familles. Chaque mot compte. Chaque geste compte. Chaque résistance au racisme, à l’homophobie, à l’antisémitisme, à la misogynie compte.

Car le fascisme ne revient pas toujours en bottes, mais parfois en costumes. Il peut prendre le visage du conformisme, de l’oubli, de l’inaction. Le devoir de mémoire est aussi un devoir d’action.

Nous devons être les sentinelles de notre démocratie. Rappeler que la République ne se transmet pas par le sang ou les papiers, mais par les valeurs. Rappeler que la laïcité n’est pas l’effacement des croyances mais la garantie de leur coexistence pacifique.

Et surtout, enseigner que la haine n’est jamais une solution. Que la fraternité n’est pas un luxe, mais une nécessité politique. Que dans un monde troublé, instable, fragmenté, notre bien le plus précieux reste cette capacité à faire société, ensemble.

Vive la République,

Et Vive la France ! »