Catégorie : communiqué

  • Accords de Bougival : quand c’est flou…

    Accords de Bougival : quand c’est flou…

    Alors que les indépendantistes kanaks du FLNKS se réunissent samedi 9 août lors d’un congrès extraordinaire pour déterminer leur position après l’accord dit « de Bougival », le collectif Solidarité Kanaky 58, dont la France insoumise de la Nièvre est membre, dénonce une tentative pour étendre à l’ensemble de la zone pacifique une nouvelle forme de colonisation en prenant appui sur des relations régionales nouvelles développées grâce à la nouvelle nationalité calédonienne. Nous publions son communiqué.

    Le projet d’accord ouvre sur un bilan de l’accord de Nouméa de 1998

    Sur ce point, si nous pouvons acter qu’il y a bien eu transfert de compétences plutôt réussi notamment par exemple sur l’éducation, il n’en est pas de même concernant « la construction d’une citoyenneté propre », qui est dans les faits complètement bafouée (l’application sur le terrain de l’accord sur l’emploi local en est une illustration).

    Rappelons ensuite que les indépendantistes contestent la tenue et, de fait, rejettent le résultat du référendum de décembre 2021, lequel s’est déroulé pendant une période de deuil coutumier suite à la pandémie COVID, empêchant la tenue d’une vraie campagne électorale et aux électeurs de participer. Considérer alors dans un préambule la tenue de ce référendum ne nous semble pas une bonne base.

    Enfin, lorsque l’on sait que la révolte de mai 2024 a été provoquée par le dégel du corps électoral, mais aussi et surtout par le sentiment d’abandon et de non maîtrise de son avenir par la jeunesse calédonienne, acter que les différentes applications de l’accord de Nouméa sont autant d’étapes vers une plus grande maîtrise de leur avenir nous semble bien présomptueux.

    Il nous apparaît donc que l’introduction elle-même part sur des bases faussées !

    Le projet d’accord propose d’offrir à la Nouvelle Calédonie un retour à la stabilité et l’ouverture de nouvelles perspectives

    1. Vote d’une Loi organique par les deux assemblées (Sénat et Assemblée nationale) validée par le Conseil Constitutionnel. Délai approximatif sauf procédure accélérée : discussion devant la 1ère assemblée 6 semaines après le dépôt du projet de loi puis 4 semaines devant la seconde assemblée puis délai de saisine et de prononcé de son avis par le Conseil Constitutionnel.
      Cette loi organique est adoptée après avis du Congrès de la Nouvelle-Calédonie.
      Dans le même temps, la composition du Congrès est modifiée passant de 54 à 56 membres mais le projet d’accord ne détaille pas les conditions… Nous savons juste que Les Îles Loyauté passent de 7 à 5 représentants, la Province Nord de 15 à 14, la Province Sud passe quant à elle de 32 à 37 membres. Un décompte qui manifestement avantage les Loyalistes non indépendantistes, majoritaires dans le sud. Le projet prévoit néanmoins que le Congrès puisse adopter une résolution modifiant les conditions de sa propre élection par une majorité de 36 sur 56…. Alors que la majorité des 3/5èmes se situe à 34 membres….
      Autant de choses qui méritent d’être éclaircies.
    2. Adoption d’une Loi fondamentale dans les années à venir, adoptée et révisable par le congrès à une majorité, cette fois ci, des 3/5èmes. Son rôle restera finalement assez limité : charte des valeurs, organisation territoriale, gouvernance interne…
    3. Création d’une nationalité Calédonienne mais assujettie à la nationalité française… Si vous voulez abandonner la nationalité française, vous êtes exclu automatiquement de la nationalité calédonienne, et bien sûr la pluri nationalité n’est pas abordée.
    4. Redéfinition du corps électoral : sans porter le nom de dégel, le projet d’accord ouvre le droit de vote aux élections aux provinciales et au congrès à toute personne qui réside depuis 10 ans en Nouvelle Calédonie.
    5. La Répartition des compétences donne des pistes quant au transfert de la compétence « Relations Internationales » qui n’est pas vraiment ciblé dans le temps et reste in fine sous le contrôle de l’État Français. Pour les autres compétences régaliennes (Défense, Sécurité et ordre public, Justice, Monnaie), c’est l’État qui reste compétent même si des portes sont entrouvertes pour associer la Nouvelle Calédonie à la politique du « souverain ». Côté « Formation à l’exercice des compétences régaliennes », rien de bien nouveau mis à part la multiplication des classes de défense et de sécurité globale (une façon d’avoir « la main » sur toute une partie de la jeunesse ???) et le renforcement du dispositif Cadres Avenir.

    Les compétences suivantes : règles relatives à l’administration des provinces, des communes et de leurs établissements publics, contrôle de légalité des provinces, des communes et de leurs établissements publics, régime comptable et financier des collectivités publiques et de leurs établissements publics, enseignement supérieur, communication audiovisuelle, pourront être conservées dans les mêmes conditions que précédemment si la loi organique le prévoit.

    Enfin, cette même loi organique à venir pourra prévoir le transfert de l’Agence de développement rural et d’aménagement foncier (ADRAF).

    En résumé, beaucoup de « blabla » pour très peu d’évolution et de capacité d’autonomie, et toujours sous la gouvernance appuyée de l’État français qui reste souverain.

    Le projet d’accord tente ensuite de définir un projet de société et de modèle économique en 4 points

    1. Un pacte de refondation économique et financière complètement contraint par l’idéologie libérale : assainissement des finances publiques, retour à la soutenabilité de la dette publique, relance et diversification économique. Dans les faits, le projet d’accord bloque complètement toute velléité d’une politique économique « de rupture ».
    2. Un plan stratégique pour la filière « Nickel », plan là encore complètement bridé par l’État sans même envisager à quelque moment l’éventuelle nationalisation de la filière….
    3. Un contrat d’engagement sur les politiques publiques prioritaires autour de 2 thèmes ; le projet de société, la jeunesse ; contrat dans lequel on retrouve les thématiques qui avaient déjà été déployées depuis 1998 avec le peu de succès que l’on connait et aucun nouvel engagement susceptible de résorber les points de blocage sociétaux dont la plupart sont liés aux résistances loyalistes à la mise en œuvre d’une véritable politique sociale…
    4. Une gouvernance dédiée sera créée dans le cadre d’une mission interministérielle, elle coordonnera (depuis Paris ?) la mise en œuvre des engagements… notamment à travers l’organisation de démarches de participation citoyenne (dont le subventionnement sera soumis au respect du cadre fixé par l’État ?)

    Une tentative pour étendre à l’ensemble de la zone pacifique une nouvelle forme de colonisation

    En conclusion, nous pourrions être très optimistes et voir ce projet d’accord comme ouvrant de larges perspectives d’avenir avec un cadre dont quasiment tous les périmètres restent à définir… Cependant, ce cadre élargi mais trop indéfini est, en même temps, la raison de nos doutes quant à la réelle volonté de l’État français de décoloniser, alors que l’injonction lui en est faite par les instances internationales…

    Nous aurions davantage tendance à voir dans ce projet d’accord une tentative pour étendre à l’ensemble de la zone pacifique une nouvelle forme de colonisation en prenant appui sur des relations régionales nouvelles développées grâce à la nouvelle nationalité calédonienne.

    Après la remise en liberté conditionnelle des prisonniers politiques, notre collectif entend bien poursuivre ses actions pour faire avancer la cause kanak et la décolonisation partout où des peuples la subissent encore.

    Nous relayons le lien de la cagnotte pour aider à payer les frais d’avocats : https://www.cotizup.com/solidarite-yewa

    Collectif Solidarité Kanaky 58 (ATTAC 58, FA58, La Libre Pensée 58, Les Écologistes 58, LFI 58, Le Mouvement de la Paix 58, Les Soulèvements de la Terre 58, NPA Bourgogne, PCF 58, POI 58)